Un vide juridique dans la loi GENIUS Act a ouvert la voie à une révolution aux Etats-Unis. Aujourd’hui, alors que les stablecoins permettent à leurs détenteurs d’être rémunérés, les banques traditionnelles, elles, se contentent de verser des clopinettes aux déposants. Derrière les querelles de taux, c’est tout le modèle du crédit moderne qui pourrait être ébranlé !
Pendant des décennies, les banques ont été les chats d’appartement très dorlotés du système financier : replets, paresseux, jouant avec votre argent.
Les banques appliquent les taux directeurs (voire plus) aux clients qui leur empruntent de l’argent. Dans le même temps, elles les rémunèrent très peu, alors qu’ils sont leur véritable source de financement.
Et… bien sûr… elles peuvent « entreposer » leurs dépôts au niveau de la banque centrale (la BCE chez nous et la Réserve fédérale aux Etats-Unis). Au pays de l’Oncle Sam, elles obtiennent un rendement dénué de risque compris entre 4 % et 5 %, et rémunèrent tout de même les déposants de quelques clopinettes.
On appelle cela « l’arbitrage garanti par l’Etat américain » [NDLR : c’est le fait de profiter d’une différence de taux (arbitrage) entre deux marchés pour faire des profits et, qui plus est, de façon institutionnalisée et sécurisée par la garantie publique].
Et c’est là que les stablecoins [NDLR : cryptomonnaies dotées d’une valeur stable car adossées à des actifs réels comme le dollar ou l’or] entrent en jeu. Il s’agit toujours de sommes engagées par les particuliers pour épargner. Mais l’emballage est différent. Dans ce cas, des plateformes d’échange telles que Coinbase rémunèrent les déposants à hauteur de 4 % rien que pour les conserver.
Comment peuvent-elles se le permettre ? Pourquoi les banques ont-elles peur ? Et qu’est-ce que cela signifie pour les cryptomonnaies dans leur ensemble ?
Creusons un peu.
Le vide juridique de la loi GENIUS Act
Quand la loi GENIUS Act a été élaborée aux Etats-Unis, les banques étaient autour de la table et savaient parfaitement que les stablecoins allaient arriver, et que cette loi serait adoptée.
Alors elles ont lutté pour bloquer la seule chose qui les terrifiait le plus : le rendement (ou taux d’intérêt).
En résumé, les banques se sont battues bec et ongles pour empêcher les émetteurs de stablecoins – Circle, Tether, Paxos – de verser directement des intérêts aux déposants.
Et elles ont gagné. Les émetteurs ne peuvent pas faire la publicité de produits offrant des rendements.
Du coup, les dépôts [bancaires] se sont retrouvés relativement en sécurité. C’est ce que Summer Mersinger – ex-commissaire au CFTC (Commodity Futures Trading Commission) et désormais à la tête de la Blockchain Association – a qualifié de « compromis » : un parfait exemple des tambouilles politiques qui se pratiquent à Washington.
Les banques n’étaient pas enchantées mais pensaient en avoir fait assez pour entraver les stablecoins.
Mais elles sont passées à côté d’un petit détail.
La loi stipulait que les émetteurs [de stablecoins] ne pouvaient pas offrir de rendement, mais elle ne précisait rien concernant des tiers tels que les plateformes d’échange.
Alors Coinbase, Kraken et Gemini sont directement entrées en jeu, sans faire référence à des « intérêts » mais à des « récompenses ».
Et soudain, les détenteurs de stablecoins se sont vu offrir 4 % [de récompense] alors que les déposants des banques continuaient à se morfondre avec des taux d’intérêt inférieurs à 0,70 %.
Les banques avaient accepté le deal initial. Après tout, elles étaient bien présentes lors des négociations. Mais maintenant, elles sont en colère.
Au moment où vous lisez ces lignes, elles font du lobbying pour remédier à ce vide juridique, via des amendements intégrés à la prochaine loi sur la structuration du marché des cryptomonnaies : la loi CLARITY Act.
Mais qui prêtera de l’argent ?
Les banques adorent les stratégies de la peur.
Voici ce qu’elles disent : « Si votre argent va dans les stablecoins et non vers nous, qui va accorder des prêts ? Qui va financer les prêts immobiliers ? »
Elles ne cessent de défendre l’idée que les dépôts des particuliers sont le carburant sacré des prêts, comme si chaque somme déposée se transformait par magie en prêt immobilier destiné à votre voisin.
Mais ce n’est pas ainsi que fonctionne le crédit moderne.
Les banques américaines modernes ne restent pas les bras croisés à attendre que leurs clients déposent 1 000 $ pour pouvoir prêter 900 $.
Elles créent d’abord des prêts (en créant littéralement de nouveaux dépôts dans leurs bilans) puis s’inquiètent plus tard d’équilibrer les réserves et les financements
Et voici ce qu’elles ne disent pas.
- Outre-Atlantique, les grandes banques ne sont même plus à l’origine de la plupart des prêts désormais. Dans de grands secteurs tels que les prêts immobiliers et les prêts aux entreprises, des entités non bancaires ont pris le dessus.
- Même dans le secteur des prêts aux entreprises, la part des banques se réduit. Il y a encore quelques années, les banques assumaient environ 44 % des prêts aux entreprises. Désormais, cette part est plus proche de 35 %. Le reste provient de prêteurs externes.
- Les banques ne règnent plus sur les prêts immobiliers. Aux Etats-Unis, la plupart des prêts immobiliers accordés pour l’achat d’un logement neuf viennent de sociétés de crédit non bancaires, et non d’agences bancaires locales.
Autrement dit…
Les marchés du prêt – surtout avec l’arrivée des solutions de la DeFi – n’ont pas de souci à se faire.
Et quand les dépôts affluent vers les stablecoins ? L’argent ne disparaît pas. Aux Etats-Unis, il va dans des titres du Trésor américain et des réserves bancaires, ces mêmes rouages qui soutiennent les marchés du crédit.
Ce qui disparaît vraiment, c’est le spread (différentiel de taux) des banques : le fait qu’elles rémunèrent leurs clients avec des clopinettes alors qu’elles empochent des milliards sur ces mêmes dollars.
Considérez les stablecoins générateurs de rendements comme des fonds monétaires 2.0. Et le risque n’est pas si important : les fonds monétaires ont progressé de milliers de milliards de dollars, et le crédit ne s’est pas effondré pour autant.
En fait, il est devenu moins cher pour tous ceux qui ne s’appellent pas Jamie Dimon [NDLR : P-DG de la banque JPMorgan Chase].
Stablecoins : les véritables enjeux
Certes, les banques pourraient résoudre cette question dès demain en relevant les taux des dépôts.
Mais elles ne le feront pas car elles sont devenues « accro » à leur moteur de profits : l’argent de leurs clients.
Voilà pourquoi elles se battent bec et ongles pour combler le vide juridique du GENIUS Act.
Mais il est trop tard. Le génie est sorti de sa lampe.
L’argent s’est trouvé un nouvel « emballage » plus libre.
Et ce n’est que le début.
Les stablecoins exercent déjà une pression sur les dépôts bancaires. Ensuite, ils s’en prendront aux frais perçus sur les cartes de crédit. Et après ? Aux comptes d’épargne retraite.
C’est ce que Mersinger appelle « la nouvelle stratégie ».
Et ce n’est que le début !
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Votre avis nous intéresse ! Seriez-vous prêt à acheter des stablecoins pour profiter de taux plus intéressants ? N’hésitez pas à nous faire part de votre opinion dans les commentaires !
J’ajoute que le possible avènement des Deobank (Decentralized Onchain Bank) pourrait enfoncer le clou dans l’idée que l’on se fait aujourd’hui d’une banque. La promesse : plus de contrôle pour l’utilisateur, moins d’intermédiaires.
Bonjour
Donc si je comprends bien si j’ai 10000 usdc en portefeuille je peut emprunter 10000 usdc ?
Merci d’avance pour votre réponse.
il me faut des stabelcoins svp
Contre leuro numerique
Bonjour, oui. Bien sur, mais comment si prendre pour acceder à cela?
DeFi – concrètement?
Donc si je comprends bien je peux placer mes économies sur mon compte coinbase et être rémunéré . Mais comment gère t on la fiscalité lors d’un retrait en euros?