Après avoir défié Wall Street et gagné gros, Michael Burry s’attaque à un nouveau colosse : l’intelligence artificielle. Son fonds a parié des centaines de millions de dollars contre Palantir et NVIDIA. Faut-il y voir le signal d’un krach imminent… ou le chant du cygne d’un visionnaire ?
Par Adam Sharp
The Big Short est l’un de mes films (et livres) préférés.
Ce récit inspiré de faits réels raconte l’histoire d’un groupe d’investisseurs qui ont osé parier contre la bulle immobilière. Ils ont tenu bon malgré les critiques, et ont fini par engranger des gains spectaculaires.
Au cœur de l’aventure il y a Michael J. Burry, un gérant de fonds spéculatif californien aussi discret que brillant. Dans le film, il est incarné par Christian Bale. D’autres figures apparaissent également, mais concentrons-nous aujourd’hui sur Burry et sur le nouveau pari qu’il a entrepris… cette fois contre l’intelligence artificielle.
Flashback : le premier Big Short
Vers 2004-2005, Burry découvre que les organismes de crédit accordent d’énormes prêts à des emprunteurs peu solvables, souvent sous forme de crédits hypothécaires à taux variable avec des périodes initiales à taux réduit. Les premières années, artificiellement bon marché, étaient intéressantes pour les emprunteurs. Mais au bout du compte, les échéances finissaient par exploser.
En analysant les données, Burry trouve un moyen de miser contre le marché immobilier grâce aux credit default swaps (CDS) sur des obligations hypothécaires. Mais ses clients le prennent pour un fou : engager autant de capital contre l’immobilier paraît insensé. Il doit même restreindre les rachats de parts pour les forcer à rester investis.
Quand la bulle éclate, son fonds réalise un coup de maître : près de 500 % de rendement net pour ses investisseurs. Burry a battu les grandes banques à leur propre jeu.
Mais attention : cette réussite a inspiré bien des traders… qui ont cependant connu des fortunes diverses.
Le nouveau Big Short sur l’IA
Personnage discret, Burry réapparaît parfois sur X (ex-Twitter) sous le pseudonyme « Cassandra », en référence à la prêtresse troyenne condamnée à prédire l’avenir sans jamais être crue.
En janvier 2023, il publie un simple mot : Sell (« Vendez »).
Tweet de Michael Burry de janvier 2023 sur X (anciennement Twitter)
Sauf que le marché a ensuite grimpé de 69 %. Son pari a tourné court. Peu après, il supprime ses messages et ferme son compte.
Aujourd’hui, Cassandre est de retour sur X. Les déclarations 13F à la SEC [NDLR : rapports obligatoires qui montrent publiquement quelles actions et titres les grands fonds détiennent] révèlent que son fonds Scion Capital détient de lourdes positions vendeuses sur Palantir (PLTR) et NVIDIA (NVDA).
Déclarations 13F du fonds Scion Capital.
Source : Edgar, ZeroHedge
Au 30 septembre, il possédait des options de vente (puts) d’une valeur nominale de 912 M$ sur Palantir et 186 M$ sur NVIDIA.
Un nouveau Big Short, cette fois sur l’IA.
Pourquoi Palantir ?
Ce choix n’est pas si étonnant. C’est peut-être l’action de grande capitalisation la plus surévaluée que j’aie jamais vue.
« La valorisation de Palantir se démarque de celles des autres sociétés du S&P 500»
Source : Bloomberg
Le graphique montre à quel point la valorisation de Palantir est incroyable.
Pour être clair, Palantir connaît une croissance rapide et semble disposer d’une technologie que personne d’autre ne possède. Elle affiche des ratios vertigineux : un cours/chiffre d’affaires supérieur à 100, une capitalisation de 442 Mds$ pour seulement 3,9 Mds$ de revenus annuels.
Même au plus fort de la bulle Internet, aucune grande entreprise n’avait atteint de tels niveaux.
Burry accompagne son pari baissier de graphiques montrant que les dépenses liées à l’IA rappellent étrangement celles de la bulle des années 2000.
« La croissance des investissements technologiques aux Etats-Unis est comparable à celle observée lors de la bulle dot-com de 1999-2000 ».
Source : ASR Ltd / WorldScope / LSEG Datastream
Le défi du timing
Les positions vendeuses du fonds Scion Capital datent du 30 septembre. Depuis, NVDA et PLTR ont progressé, ce qui rend le pari de Michael Burry perdant à ce stade. Peut-être a-t-il ajusté ses positions. Personne ne le sait.
Anticiper le sommet d’actions aussi populaires est extrêmement ardu. Lors de son Big Short immobilier, Burry a attendu des années avant d’être récompensé, tout en payant des primes élevées sur ses CDS. A un moment, son pari semblait voué à l’échec… jusqu’à l’explosion de la bulle.
Reste à voir si l’histoire se répétera avec l’IA. Que certaines valeurs soient surévaluées est évident, mais le timing d’un short reste toujours périlleux.
Après la publication des résultats au titre du troisième trimestre 2025 de Palantir, l’action a chuté de près de 7 %.
Son P-DG et cofondateur, Alex Karp, n’a pas apprécié le pari de Burry, qu’il qualifie de « manipulation de marché ». Il a déclaré sur CNBC :
« Les deux entreprises qu’il [Michael Burry] shorte sont celles qui gagnent tout l’argent, ce qui est très étrange. L’idée de parier contre les puces et Palantir Ontology est complètement folle… Je pense que ce comportement est scandaleux, et je danserai de joie quand l’Histoire lui donnera tort. »
Alors, est-ce le début d’un krach, ou simplement une correction après une envolée parabolique ? Impossible de trancher pour l’instant.
Un conseil toutefois : ne misez pas votre maison sur un effondrement de l’IA. Comme le rappelait Keynes :
« Le marché peut rester irrationnel plus longtemps que vous ne pouvez rester solvable. »
Nous suivrons cette histoire de près.
Adam Sharp
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