Prosus accélère sa stratégie d’expansion en Europe en visant la France comme nouveau terrain de jeu. Avec 2 Mds€ à investir et une première acquisition majeure dans les petites annonces, la holding néerlandaise confirme son ambition de devenir un acteur incontournable du e-commerce mondial.
Après la Chine, la France ?
La holding d’investissement néerlandaise Prosus, dont l’un des coups de maître fut une prise de participation de 45 % dans le groupe chinois Tencent en 2001, a annoncé son intention de procéder à des investissements importants dans l’Hexagone.
Elle prévoit de déployer jusqu’à 2 Mds€ pour racheter des entreprises tricolores, signe que notre pays conserve son attractivité et que ses pépites restent globalement sous-évaluées par les marchés.
Le nom de sa première cible a déjà été dévoilé : il s’agit de La Centrale, le spécialiste de l’achat/revente de véhicules d’occasion. La holding mettra plus de 1,1 Md€ sur la table pour procéder au rachat, par le biais de sa filiale OLX Group. L’absorption de La Centrale permettra à OLX de pousser ses pions en France et de conforter sa position d’acteur international sur le marché des petites annonces. Pour Prosus, ce déploiement de capitaux devra donner une nouvelle impulsion au titre qui signe une impressionnante progression de 52 % en un an.
Evolution du cours de l’action de la holding Prosus. Même après 52 % de hausse sur 12 mois, le potentiel de croissance n’est pas épuisé.
Source : Google Finance
Naissance d’un géant des petites annonces
OLX Group, entré dans le giron de Prosus progressivement à partir de 2010, était conçu dès ses débuts pour croître et atteindre rapidement une envergure mondiale. Il est né en 2006 de la rencontre de Fabrice Grinda, l’ancien créateur de Zingy (revendu pour 80 M$) et d’Alec Oxenford. Les deux entrepreneurs ont décidé de créer un site de petites annonces pour les internautes en dehors des Etats-Unis.
Dès les premières années d’activité, OLX a décliné son offre dans de nombreux pays par croissance organique et en procédant à des prises de participation dans les plateformes en ligne existantes. Le groupe s’est autorisé une diversification extrême, avec des services qui vont de la vente de bétail au Kenya à l’électroménager en Inde, en passant par les voitures d’occasion au Brésil et l’immobilier en Afrique du Sud.
Longtemps absent de l’Europe du fait de sa focalisation sur les marchés émergents, le rachat de La Centrale va permettre à OLX Group d’acquérir rapidement et efficacement une place significative dans nos économies certes matures, mais aussi dynamiques.
En moins de vingt ans, OLX Group est ainsi passé du statut de jeune start-up Internet à celui de leader mondial des petites annonces en ligne. Il peut désormais se comparer aux plus grands noms du secteur comme eBay et Adevinta (l’Argus, Leboncoin).
Le e-commerce comme relais de croissance pour Prosus
L’entrée bien inspirée au capital de Tencent en 2001 fut longtemps un succès doux-amer pour Prosus. Signe que le marché y voyait plus un coup de chance qu’une performance susceptible d’être reproduite, la valorisation boursière du néerlandais ne correspondait même pas à la valeur de sa participation dans le groupe chinois.
Mais les derniers chiffres sont venus souffler un vent d’optimisme. Durant l’exercice décalé 2025, qui s’est achevé au 31 mars de cette année, l’activité de la holding est repartie à la hausse. C’est d’ailleurs au e-commerce que le groupe doit son rebond du volume d’affaires, avec des revenus qui ont bondi de 5,4 Mds$ sur l’exercice 2024 à 6,2 Mds$ sur l’exercice 2025 (+0,7 Md$ soit une hausse de 12,7 %). Mieux encore, la rentabilité de ce métier a explosé d’un facteur dix, passant d’une génération d’EBIT retraité de 38 M$ en 2024 à 443 M$ en 2025.
Dès l’annonce des résultats, la direction du groupe insistait d’ailleurs sur l’ambition de devenir un acteur majeur du e-commerce en Amérique Latine, en Europe et en Inde en atteignant l’excellence en termes d’engagement et de fidélisation de clientèle. En plus de sa participation dans Tencent (désormais considérée à part dans les prévisions du groupe pour ne pas faire de l’ombre aux autres activités dans lesquelles le poids stratégique de Prosus est plus important), la direction garde comme objectif la création de 100 Mds$ de valeur ajoutée.
Ce montant, ambitieux mais réaliste, représente seulement 60 % de la capitalisation boursière de la holding. Il souligne surtout l’intention de Prosus de cesser d’être un simple portefeuille d’actifs décotés pour devenir un vrai financeur de l’innovation à l’échelle mondiale.
La direction ne cache d’ailleurs pas son agacement face à la décote persistante de sa valorisation boursière par rapport à la valeur de ses actifs. Il est vrai que le titre s’échange aujourd’hui autour des 60 €, même après sa hausse de 52 % sur un an… alors que l’actif net réévalué par action était, au 30 septembre, de plus de 84 €. Avec une décote de plus de 28 %, les actions de Prosus s’échangent ainsi moins que la part des actifs qu’elles représentent. Pour réduire cette décote jugée excessive, la direction a ainsi ouvert un plan de rachat d’actions sans limite de temps visant à diminuer le nombre de titres en circulation pour rendre de la valeur aux actionnaires.
Ouvert depuis 2022, ce programme est basé sur un mécanisme simple mais redoutablement efficace de rachat d’actions Prosus sur le marché libre financé par la vente simultanée d’actions Tencent. Un arbitrage assuré par la holding qui devrait, en toute logique, permettre de résorber progressivement la décote et offrir, sauf effondrement des marchés et de l’économie mondiale, des gains à deux chiffres avec un faible risque aux actionnaires.
Ceux qui sont en position depuis trois ans ne peuvent que se féliciter de la performance du dossier : entre le 1er octobre 2022 et le 1er octobre 2025, leur plus-value latente se monte à un remarquable +200 %. Une raison de plus de maintenir leur confiance dans la stratégie de la holding, de plus en plus volontariste dans la gestion de ses actifs.
Evolution du titre Prosus sur trois ans : la confiance du marché se traduit en plus-values bien tangibles. Infographie : TradingView