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Worldline : même la BCE n’y croit plus

By 29 septembre 2025No Comments

Le vent tourne pour Worldline : l’abandon silencieux de la BCE, qui se déleste de ses obligations, marque un tournant inquiétant. Ce désengagement institutionnel ravive les doutes sur la solidité du groupe, déjà mis à mal par des performances financières dégradées et une défiance croissante du marché.

 

Le spécialiste du paiement Wordline, ancienne star de la cote parisienne, n’en finit plus de perdre la confiance des investisseurs. Après les marchés actions, voici que l’instance monétaire européenne abandonne à son tour le dossier, causant même un mini-krach obligataire.

Ces derniers jours, la Banque centrale européenne a vendu pas moins de 200 M€ d’obligations Worldline sur les marchés. Selon une indiscrétion du Financial Times, la BCE a mandaté la banque JPMorgan pour écouler discrètement son stock de dettes.

De fait, alors que les nouvelles n’étaient pas particulièrement défavorables en cette rentrée, la valeur des souches obligataires Worldline s’est effondrée, perdant jusqu’à 6 % entre le 1er et le 15 septembre.

 

Worldline_obligations_echeance_2027Evolution de la valeur, sur le marché secondaire, des obligations Worldline d’échéance 2027
Infographie : Börse Frankfurt

 

Sur le marché obligataire, une telle baisse de valeur en quelques jours représente un cataclysme. Au plus fort de la baisse, le rendement à échéance de la dette Worldline a dépassé les 10 % annuels, un niveau particulièrement rare dans la zone euro.

 

Quand la BCE lâche Worldline

Le fait que la BCE ait vendu massivement ses obligations Worldline a de quoi inquiéter les actionnaires. La banque centrale avait acquis ces titres dans le cadre du plan de soutien à l’économie mené entre 2015 et 2022, et sa stratégie officielle est de conserver ces souches obligataires jusqu’à échéance sans en réinvestir le produit.

De cette manière, la BCE réduit progressivement son bilan sans causer de remous sur les marchés obligataires. En cédant massivement ses obligations Worldline, elle a au contraire opté pour un mouvement de sauve-qui-peut généralement réservé aux investisseurs privés exposés aux dossiers en faillite.

Le revirement est d’autant plus inquiétant que rien n’obligeait l’institution de Francfort à liquider ses positions. Certes, la dette de Worldline a été rétrogradée par S&P à BB cet été, ce qui la place dans la catégorie spéculative. Elle n’est, de fait, plus éligible à l’achat dans le cadre du plan d’argent gratuit de la BCE. Mais ce plan est achevé depuis plusieurs années, et aucune règle n’oblige la banque centrale à se délester des obligations ainsi acquises quand leur note évolue à la baisse après leur acquisition.

La BCE n’a d’ailleurs que très rarement décidé de revendre des souches obligataires sur le marché secondaire avant leur échéance. Elle l’a fait, avant la pandémie, avec des obligations émises par Steinhoff et le distributeur espagnol DIA, le premier étant au cœur d’un scandale comptable et le second en pleine recapitalisation pour éviter la faillite.

La vente envoie un signal clair : si la banque centrale s’est autorisée à alourdir son bilan pour faire baisser artificiellement le coût de refinancement des entreprises à partir de 2015, elle ne semble pas disposée à essuyer des pertes en cas de restructuration ou de faillite des entreprises ainsi soutenues.

En ce sens, sa sortie du dossier a de quoi inquiéter les investisseurs qui seraient encore en position.

 

Worldline pourra-t-elle éviter la recapitalisation ?

Le désaveu de la BCE est un dur retour à la réalité alors que les actionnaires se prenaient à espérer une stabilisation de la situation du groupe. Début juin, Worldline avait placé avec succès une émission d’obligations à échéance 2030 pour un montant de 550 M€.

Selon les dires de la direction, cette somme aurait dû être utilisée pour racheter les obligations convertibles et échangeables (OCEANEs) arrivant à maturité au 30 juillet 2026, ce qui limitait le risque de dilution de l’actionnariat.

Dès la fin de l’émission obligataire, Worldline avait d’ailleurs lancé une offre de rachat sur les OCEANEs en mobilisant l’intégralité des 550 M€ fraîchement levés. 320 M€ furent finalement utilisés, permettant le rachat et l’annulation de 42 % des OCEANEs en circulation.

Mais le soulagement n’a été que de courte durée. La publication des résultats semestriels a confirmé la situation critique dans laquelle se trouve le groupe. Si le chiffre d’affaires publié ne s’est contracté que de 3,4 % sur un an, l’excédent brut d’exploitation (EBE) ajusté s’est effondré de 22 % entre 2024 et 2025. Le flux de trésorerie disponible a baissé de moitié, s’établissant à un maigre 40 M€.

De son côté, le résultat net part du groupe, indicateur ultime de la rentabilité d’une activité, s’est effondré en passant de -29 M€ au premier semestre 2024 à -4 218 M€ sur les six premiers mois de l’exercice 2025. Pour achever ce tableau dramatique, l’endettement net a encore augmenté et dépasse désormais les 2,1 Mds€.

Depuis son plus-haut historique en 2021 à 81 €, l’action Worldline a perdu plus de 96 % de sa valeur. Le marché ne prévoit aucune stabilisation de la situation à court terme, comme le prouve la nouvelle baisse de 68 % du prix de l’action depuis le 1er janvier.

Worldline_action_depuis_2021

 

Worldline_action_en_2025

Sur cinq ans (en haut) comme depuis le 1er janvier (en bas), l’action Worldline est en baisse exponentielle, signe d’une érosion continue de la confiance du marché. Infographies : TradingView

 

La BCE ayant décidé de s’éloigner du dossier, le groupe ne pourra même plus profiter du poids de la banque centrale pour limiter le coût de sa dette. Les prochaines émissions obligataires ne se passeront certainement pas aussi facilement qu’au mois de juin, et le scénario d’une recapitalisation dure ne peut être écarté.

En revanche, s’il semble impossible pour les actionnaires de récupérer leur mise, les spéculateurs les plus optimistes pourront jouer un scénario intermédiaire dans lequel le groupe n’aurait pas besoin de mettre à contribution ses prêteurs obligataires. Ils achèteront alors sur le marché secondaire la dette Worldline, dont le prix est particulièrement bas suite aux ventes de la BCE (ISIN FR0013521564, accessible à partir de 100 000 €), en espérant se faire rembourser dans deux ans au pair.

Les investisseurs prudents, de leur côté, se tiendront encore soigneusement à l’écart du dossier.

Etienne Henri

Etienne Henri est titulaire d'un diplôme d'Ingénieur des Mines. Il débute sa carrière dans la recherche et développement pour l'industrie pétrolière, puis l'électronique grand public. Aujourd'hui dirigeant d'entreprise dans le secteur high-tech, il analyse de l'intérieur les opportunités d'investissement offertes par les entreprises innovantes et les grandes tendances du marché des nouvelles technologies.

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