Chute libre, sanction sévère, stratégie floue et décote marquée : l’été a été rude pour certains poids lourds de la cote. Mais aujourd’hui, faut-il fuir ou acheter ? Voyons avec Etienne Henri quels sont les dossiers qui pourraient bien rebondir !
La rentrée approchant à grands pas, le temps est venu de préparer la fin d’année boursière. Traditionnellement, les deux dernières semaines d’août sont une période favorable aux particuliers qui peuvent remanier leur PEA ou compte-titres tout en profitant de l’atonie des marchés. Alors que les intervenants institutionnels ne reprennent que lentement le chemin du bureau, les investisseurs individuels peuvent placer leurs ordres d’achat et de vente sans subir les manipulations indicielles des « grosses mains ».
Encore faut-il savoir quoi acheter, et quels dossiers éviter. Avant notre trêve estivale, j’attirais votre attention sur les trois grands risques qui planaient sur les marchés actions. Si le marché de la dette s’est finalement montré remarquablement stable, le psychodrame autour des droits de douane a bel et bien continué. Et, comme anticipé, ce sont les publications de résultats qui ont mis le feu aux poudres sur certains dossiers.
A Paris comme à New York, des entreprises ont vu leur valorisation boursière s’envoler ou s’effondrer de plusieurs dizaines de pourcents depuis la mi-juillet. S’il est toujours facile (et agréable) de prendre des bénéfices lors des mouvements violents à la hausse, les mouvements baissiers nécessitent plus de réflexion avant de passer à l’action.
Certaines baisses ont été justifiées, et constituent une prise de conscience par le marché de la faiblesse des entreprises concernées dans le contexte actuel. D’autres, en revanche, étaient trop épidermiques et représentent des opportunités d’achat.
Aujourd’hui, nous revenons sur quatre grands mouvements baissiers de cet été, pour faire le tri entre les baisses qui risquent de se prolonger et les valeurs sous-évaluées qui représentent des opportunités d’achat.
Soitec : le semi-conducteur qui ne fait plus rêver
Depuis le 17 juillet, l’action du spécialiste français du silicon on insulator a perdu plus de 20 %. L’ancienne star de la tech, dont la technologie équipe les smartphones et autres appareils sans fil par le biais de modules de communication à haute fréquence, a déçu les investisseurs en affichant un chiffre d’affaires en baisse organique de 16 % sur un an.
Malgré le dynamisme de la division Edge & Cloud IA, en croissance de 13 % sur un an, Soitec fait face à un marché du smartphone qui arrive à maturité et à la faiblesse du marché automobile.
Avec une baisse de 85 % par rapport à ses plus-hauts de fin 2021, l’action Soitec a pour elle d’être bien moins chère qu’il y a quatre ans. Mais les incertitudes fondamentales restent fortes. La direction n’a pas encore prouvé au marché qu’elle dispose de relais de croissance pérennes et, en prenant du recul, la chute de cet été n’est que la continuité d’une longue glissade.
Evolution du titre Soitec sur cinq ans : la baisse de cet été s’inscrit dans une tendance de long terme.
Source : TradingView
Seb : le marché sanctionne la révision des objectifs 2025
Le groupe Seb a provoqué la fuite des intervenants en dévoilant des résultats semestriels décevants. Avec un résultat net péniblement positif (1 M€ en 2025, en baisse de -99 % par rapport aux 100 M€ de 2024) et un résultat opérationnel d’activité (ROPA) divisé par deux, l’industriel a dû assortir sa publication d’une révision à la baisse de ses perspectives 2025.
Alors que la croissance organique des ventes était attendue à 5 % cette année, elle devrait désormais être comprise entre 2 % et 4 % seulement. Le ROPA, précédemment attendu en hausse en 2025, devrait finalement être en baisse d’environ 10 %. Les droits de douane – encore eux ! – viennent assombrir un peu plus le tableau du fait des incertitudes qui planent sur l’évolution des ventes aux Etats-Unis.
Pour autant, l’entreprise reste solide. Sa valorisation boursière est de l’ordre de neuf fois ses bénéfices 2024, et pour ceux qui cherchent à investir dans de grands noms de l’industrie française, le dossier est bien moins cher que l’an passé pour des perspectives de long terme qui n’ont, en réalité, pas fondamentalement changé.
La variation du prix de l’action Seb sur un an dépasse largement l’évolution de ses fondamentaux.
Source : TradingView
Worldline : mauvais résultats et stratégie illisible
Après un premier semestre au cours duquel Worldline a essuyé une lourde perte et subi plus de 4,1 Mds€ de dépréciations d’actifs, la direction du groupe s’attend désormais à une baisse du chiffre d’affaires « à un chiffre » cette année. Pierre-Antoine Vacheron, directeur général, a fait amende honorable lors de l’annonce des résultats en insistant sur le « travail à faire pendant quelques trimestres avant de revenir sur un niveau de croissance cohérent avec le marché ».
La baisse de plus d’un tiers de la valeur de l’action au mois de juin, suite à la publication d’une enquête sur les activités auprès de clients à haut risque, n’aura finalement pas permis de matérialiser de point bas : le titre abandonne encore 20 % entre le 15 juillet et le 15 août. Au cœur de l’été, Worldline a annoncé la cession d’une de ses branches de services numériques en mobilité à Magellan Partners pour se recentrer sur ses activités de paiement, et promis de dévoiler sa nouvelle stratégie lors d’une journée investisseurs le 6 novembre.
Autant dire que tout reste à faire sur ce dossier dont la valeur pourrait rebondir d’un facteur 10… ou tomber à zéro.
Depuis le début de l’année, la baisse est continue sur Worldline. Les -20 % de cet été ne marquent même pas une rupture de tendance claire.
Source : TradingView
Eurazeo : une décote importante
Le groupe d’investissement Eurazeo a subi d’importants dégagements suite à l’annonce de résultats semestriels en demi-teinte. Les investisseurs se sont focalisés sur le résultat net part du groupe, qui s’est établi à -309 M€ contre -105 M€ l’an passé.
Pourtant, l’activité de la société se porte bien. Sur le premier semestre, elle a collecté plus de 2 Mds€ auprès de ses clients. Ses commissions de gestion ressortent à 211 M€, en hausse de +3 % sur un an, et l’encours d’actifs sous gestion augmente de 4 % sur 12 mois, atteignant les 36,8 Mds€.
La sanction boursière de 13 % lors de la journée de cotation qui a suivi la publication des résultats a largement dépassé la baisse de la valeur du portefeuille d’investissement de l’entreprise (de l’ordre de 1 %).
Avec un rebond de 8 % post-krach, le marché commence à corriger la surréaction baissière survenue lors de l’annonce des semestriels.
Source : TradingView
Les participations détenues par le groupe se montent, à la fin du trimestre échu, à 103,4 € par action pour un cours boursier de 55 € seulement. La décote est importante, et la capitalisation boursière ne tient pas compte du potentiel de progression de l’activité de gestion.
Le dossier peut donc séduire les investisseurs value qui font confiance à la direction pour naviguer avec succès dans le secteur ultra-concurrentiel de la gestion pour compte de tiers.