Skip to main content
ActionsPétrole

Veolia : le Moyen-Orient comme relais de croissance

By 22 septembre 2025No Comments

Dans l’ombre des raffineries géantes d’Arabie saoudite, Veolia prépare son coup. Le groupe français s’attaque à un défi redoutable : recycler des boues industrielles parmi les plus toxiques au monde pour en faire de l’eau réutilisable. Un pari technologique à la frontière du possible, qui pourrait transformer le Moyen-Orient en nouveau moteur de croissance pour l’entreprise…

Le spécialiste de la gestion et du traitement de l’eau Veolia est connu, dans nos frontières, pour sa gestion des eaux usées issues des centres urbains et ses services de distribution.

Mais l’ancienne Compagnie générale des eaux a plus d’une corde à son arc. Après sa diversification dans la production d’énergie entamée l’an passé et son incursion dans le marché à 40 Md$ de la dessalinisation, voilà que le groupe se lance dans un nouveau défi industriel : celui du retraitement de boues contaminées.

Pour limiter la consommation d’eau du futur méga-site de raffinage de pétrole d’Al-Jubayl (Arabie saoudite), exploité par Saudi Aramco et TotalEnergies, Veolia a remporté avec l’opérateur saoudien Marafiq et la holding locale Lamar un contrat de retraitement des effluents.

L’usine de retraitement, qui poussera les technologies de Veolia dans leurs retranchements, est un objectif ambitieux en termes de maîtrise de l’outil industriel. Mais si ses performances et sa rentabilité s’avèrent satisfaisantes, elle deviendra une véritable vitrine technologique et donnera au groupe l’occasion de proposer ses services sur les nouveaux champs pétroliers dont l’impact environnemental est de plus en plus surveillé.

Et quelle que soit son issue, le projet aura rapporté environ 800 M€ dans les comptes du groupe durant son exploitation – l’équivalent de la moitié du bénéfice net réalisé en 2024.

 

raffinerie Satorp VeoliaLa raffinerie de Satorp : un site de production pétrochimique particulièrement polluant qui justifie la mise en place de solutions de traitement onéreuses
(Source: TotalEnergies)

 

Le nécessaire verdissement des sites pétrochimiques 

Les sites d’extraction, de raffinage et de transformation de pétrole sont de plus en plus demandeurs de solutions techniques pour limiter leur empreinte écologique. Les opérateurs font en effet face à un redoutable effet ciseaux entre l’utilisation de pétrole de plus en plus lourd, donc chargé en polluants, et une sensibilité de plus en plus forte aux rejets d’effluents des populations et des décideurs publics.

L’Arabie saoudite doit, en prime, faire face à une contrainte supplémentaire : celle de la disponibilité en eau. La raffinerie de Satorp, qui produira en rythme annuel pas moins de 1,65 million de tonnes d’éthylène, 500 000 tonnes de polyéthylène et d’autres composés à forte valeur ajoutée, ne fait pas exception.

Située non loin de Jubai, à l’est du pays, son approvisionnement en eau dépend en grande partie des usines de dessalinisation installées à proximité (dont deux possédées par Veolia), qui filtrent les eaux du golfe Persique dans une débauche d’énergie. Chaque mètre cube d’eau utilisé par la raffinerie nécessite, en moyenne, entre 2 kWh et 4 kWh d’électricité.

Le recyclage et le retraitement de l’eau sur place sont donc une nécessité, tant sur le plan écologique que sur le plan industriel. Les besoins sont tels que les pétroliers souhaitent recycler jusqu’aux fonds de cuves, qui concentrent les substances les plus dangereuses qui n’ont pas leur place dans les produits industriels.

Ces rebuts, particulièrement agressifs, ne sont habituellement pas retraités et sont simplement rejetés, voire brûlés après avoir été concentrés. La promesse de Veolia est de pouvoir les réutiliser en leur appliquant une succession de traitements de choc qui permettront, en sortie de procédé, de retrouver une eau suffisamment pure pour pouvoir être réutilisée dans la raffinerie.L’usine de traitement aura une capacité loin d’être anecdotique puisqu’elle devra produire près de 9 millions de mètres cubes d’eau par an. Elle économisera ainsi près de 30 GWh d’électricité par an, soit la consommation électrique moyenne de 3 000 habitants.

Lors de l’annonce du méga-contrat, la direction s’est montrée prudente au vu des défis technologiques que pose le recyclage des fonds de cuve. Ce projet, si rentable qu’il soit sur le plan commercial, représente un risque industriel certain : rien ne dit que Veolia parviendra à atteindre les performances attendues dans cet environnement particulièrement agressif pour le matériel de recyclage de l’eau.

En cas de succès, il ouvrira toutefois un nouveau marché à Veolia et permettra d’augmenter encore l’importance du Moyen-Orient dans l’activité du groupe.

Le Moyen-Orient, relais de croissance après l’Europe 

Si Veolia peut encore viser une augmentation de son activité dans nos frontières avec les efforts de réutilisation des eaux usées, le Vieux Continent dispose d’une infrastructure âgée, mais globalement suffisante.

Les investisseurs pourraient craindre que Veolia ne devienne une « belle endormie » industrielle, qui se contente d’entretenir sa rente de situation pour dégager du rendement sans perspective de croissance.

Ce serait oublier le potentiel des zones géographiques où les besoins en infrastructure sont criants. Aux Etats-Unis et en Australie, le renouvellement des réseaux mobilise des milliards de dollars par an. Au Moyen-Orient, ce sont les augmentations de capacité et la construction de nouvelles unités qui soutiennent l’activité.

Résultat des courses : l’Amérique du Nord a vu son activité progresser de 2,8 % à périmètre constant l’an passé, et de 2,6 % supplémentaires sur les six premiers mois de l’année 2025. Le Moyen-Orient se montre encore plus dynamique, avec une augmentation de 6,1 % en 2024 et de 4,8 % à périmètre constant au premier semestre de cette année. Alors que l’activité en France s’est contentée d’une croissance anémique de 0,1 % sur les douze derniers mois, ce sont les implantations à l’étranger qui permettent à Veolia d’augmenter son chiffre d’affaires mondial.La direction reste d’ailleurs confiante dans la capacité du groupe à générer de la croissance. Elle prévoit d’atteindre, d’ici à 2027, les 8 Md€ d’EBITDA grâce à une augmentation de l’activité de l’ordre de 10 % par an. Dans le même temps, les coûts devraient être réduits de 350 millions d’euros par an, et il est prévu d’augmenter le dividende au même rythme que les bénéfices.

Toutes choses égales par ailleurs, les actionnaires peuvent espérer une forte revalorisation du titre qui s’échange actuellement sur les mêmes niveaux qu’il y a deux ans et demi. Le bénéfice net annualisé a pourtant augmenté, depuis, de plus de 30 %…

 

Veolia graphe bourse

Depuis le printemps 2023, le titre Veolia évolue dans un mouchoir de poche malgré la hausse du bénéfice (infographie: TradingView)

Etienne Henri

Etienne Henri est titulaire d'un diplôme d'Ingénieur des Mines. Il débute sa carrière dans la recherche et développement pour l'industrie pétrolière, puis l'électronique grand public. Aujourd'hui dirigeant d'entreprise dans le secteur high-tech, il analyse de l'intérieur les opportunités d'investissement offertes par les entreprises innovantes et les grandes tendances du marché des nouvelles technologies.

Laisser un commentaire

FERMER
FERMER
FERMER

5 Valeurs pour doubler votre PEA

X